Une matière du rouge : le rouge à lèvres

Une matière du rouge : le rouge à lèvres


Surprenant si vous me connaissez que je vous parle maquillage ! Je ne vais vous parler aujourd'hui que du produit rouge à lèvres.

A l'occasion de l'exposition  Bleu Jaune Rouge au Musée de Tessé au Mans, j'avais découvert le travail d'un peintre Fabrice HYBER.  Dans la première salle de cette exposition, nous était présenté l'œuvre suivante : 

Rouge à lèvres sur bois de Fabrice Hyber. Collection du Frac des Pays de la Loire

En 20122013, il renouvelle l'idée et installe un bloc de 1 m3 en collaboration avec Yves Saint Laurent Beauté en 2021 2013. Voici ce qu'il en dit : 

« Un mètre cube de beauté la tentation de mettre à une autre échelle la matière première du rouge à lèvres est un risque que je prends au cours d'une exposition. Ce moment exceptionnel permet de donner de la consistance à la matière et de se rendre compte que même hors échelle, le rouge à lèvres garde sa force. Mon premier tableau est Un mètre carré de rouge à lèvres, 1981 mêlant rationnel et irrationnel, la mesure de la beauté... Ici il fallait une matière de premier choix à mettre en 3D….. La couleur accompagnée du parfum du rouge à lèvres Rouge Pur Couture n°1 d’Yves Saint Laurent Beauté se diffuse par la sculpture bien au-delà de l'impression d'un seul baiser »




Un mètre carré de Beauté Hyber - 2012

C'est un artiste en perpétuelle recherche. Depuis 1991, il créé des POF ou Prototypes d'objets en fonctionnement qui sont inspirés de la vie quotidienne. Il les réinterprète, les revisite et nous oblige à nous perdre dans cette lecture. Chacun des objets perd sa logique première. Il nous parle de la matière pour elle-même et non plus de sa fonction. Ecoutez le : 

https://porouj.wordpress.com/2012/10/02/imaginez-limaginaire-au-palais-de-tokyo-jusquau-11-fevrier-2012/

Pour vous laisser perplexe, ce ballon que nous avons retrouvé cette année dans l'exposition Jeu de balles, jeu de ballon au même musée, est du même artiste : 

                                        

Mais si je vous parle rouge à lèvres, je voudrais aussi évoquer un autre usage de cette matière. Je vais l'associer au travail d'un autre artiste Cy Twombly, américain qui vient après  l'expressionisme abstrait. Né en 1928, il fait partie de cette génération pour laquelle de nouveaux champs d'exploration s'ouvrent : psychanalyse, psychologie, abstractions, figurations, écritures.... Tout est nouveau et tout est à construire. Jusque là, quel rapport avec le rouge me direz vous : il ne se sert pas de rouge à lèvre !

Tout d'abord, ce peintre est lui aussi très imprégné par le monde dans lequel nous vivons. Ses graffitis d'art sont novateurs et associent une écriture asémiques et un travail de recherche dans l'art de la ligne, du geste. Son œuvre va parcourir tout le XXème siècle, proche des évènements sociétaux. On peut être fan ou détester mais on ne peut nier son rôle dans le développement d'un langage abstrait. 



En 2007, une jeune femme Rindy Sam a embrassé un tableau de ce peintre appartenant à la collection Lambert en pleine exposition à Avignon laissant une trace rouge sur le fond blanc de ce tableau.  Scandale, vandalisme ou passion, amour d'une œuvre. 

Cy Twombly s’était dit «horrifié» par le baiser laissé en juillet sur la toile par la jeune femme, pour qui il s’agissait d’un «acte d’amour et d’un acte artistique»

Lorsque le rouge à lèvre devient un outil d'écriture... cela suscite toute une réflexion de fond sur les œuvres. A lire : 
https://www.lemonde.fr/culture/article/2007/12/06/face-au-baiser-inflige-a-l-oeuvre-de-twombly-la-reponse-des-artistes_986576_3246.html

Ce geste me fait penser aux atteintes subies par les urinoirs de Duchamp dans les musées : l'art fait réagir et n'est ce pas la fonction première ? 






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